Kératopathie
lipidique ou dépôt de lipides
dans la cornée
des lapins
Esther van Praag, Ph.D.
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La kératopathie lipidique - aussi appelée dystrophie de la cornée ou
lipidose de la cornée - est une affection de la cornée caractérisé par un
dépôt excessif de lipides (par ex. des esters de cholestérol) sous la surface
de la cornée, dans l’iris et la portion antérieure de la choroïde (corps
ciliaire). L’infiltration commence à la périphérie de la cornée, puis envahit
la partie centrale de l’œil. Elle est visible dans la partie antérieure du
stroma, de la membrane épithéliale basale et de l’épithélium.
La kératopathie lipidique est habituellement bilatérale, mais pas au
même degré. Une lipidose unilatérale est rarement observée. Au stade initial,
les lipides se déposent à la périphérie de la cornée, avant de devenir
centrales.
Etiologie
Cette affection n’est pas associée à une maladie, à une race ou au
sexe du lapin. Elle semble plutôt être la conséquence d’un taux très élevé de
lipides et de cholestérol dans le sang, de l'accumulation de graisses dans
les artères (athéromatose). La cause est une nourriture riche en graisses, ou
une alimentation incluant des denrées alimentaires d'origine animale (produit
lacté comme le fromage, le beurre ou du lait).
Des expériences de kératopathie induite expérimentalement chez les
lapins ont montré que les cellules endothéliales, les péricytes et les
kératinocytes absorbent des quantités accrues de cholestérol LDL et d’esters
de cholestérols. Le métabolisme cellulaire est incapable de métaboliser ces
grandes quantités de lipides et les cellules meurent, permettant le dépôt de
lipides et de protéines au sein du stroma de la cornée. Les macrophages,
cellules du système immun, tente de phagocyter les lipides et entraîne
l’apparition d’amas de cellules spumeuses.
Une origine héréditaire n’est pas exclue ; elle a été observée
chez les lapins Watanabe. Ces derniers possèdent un niveau très bas de
récepteurs LDL, ce qui entraîne un niveau élevé de cholestérol dans le sang
et un dépôt de lipides le long des vaisseaux sanguins. Si aucun changement de
régime alimentaire n’est fait, les lapins Watanabe souffrant de kératopathie
lipidique développent un détachement rétinal.
Finalement, des facteurs d’origine iatrogène (médicamenteuse ou
mécanique) peuvent aussi être à l’origine de lipidoses de la cornée. Ainsi,
l’injection unique de gentamycine dans le corps vitré de l’œil du lapin
induit une accumulation de lipides au niveau de l’épithélium du pigment
rétinien, accompagné de nécrose rétinienne. Un traumatisme de la cornée peut
provoquer une accumulation anormale de lipides dans l'œil.
Signes cliniques
Les deux yeux sont souvent affectés (bilatéral), mais à des degrés
divers. Les dépôts de graisse, qui commencent souvent à la périphérie de la
cornée, au niveau de la troisième paupière, avant de se propager lentement
tout autour du limbe de la cornée (limite entre le blanc de l’œil et la
cornée). Des régions plus centrales de
la cornée peuvent aussi être envahies par des dépôts de lipides si le lapin
continue à recevoir une alimentation trop riche en graisses.
Les dépôts à la périphérie de l’œil sont opaques, surélevés, à peine
visibles et pâles, de couleur blanche, grise ou argentée brillante. A un
stade avancé, la cornée devient opaque, accompagnée d’une perte de vision
graduelle.
A un stade primaire, les dépôts peuvent être passagers et
disparaissent lorsque l’alimentation est corrigée. Une vascularisation et
inflammation de la partie affectée de la cornée est souvent observée. La
kératopathie lipidique affecte essentiellement la cornée, mais des dépôts ont aussi été notés dans l’iris,
le corps ciliaire et la lentille chez un lapin de race hollandais. Lorsque le
dépôt de lipides est excessif, des ulcères de la cornée ou un détachement de
la rétine peuvent se développer.
La kératopathie
lipidique est indolore.
Diagnostic et différentiel
Un bilan sanguin permet de mettre en évidence un taux élevé de
lipides et de cholestérol dans le sang. Le rapport des taux sanguins de
LDL et de HDL correspond à celui trouvé dans l’œil.
Un examen ophtalmologique complet permet de confirmer le diagnostic.
Une discussion sur l’alimentation du lapin est nécessaire et des
corrections doivent être impérativement apportées.
La lipidose cornéenne doit être différenciée de :
-
Lésions rétiniennes
lorsqu’une perte de vision est observée.
-
Néoplasie.
-
Uvéite.
-
Lésions cérébrales,
même si ces dernières sont généralement accompagnées d’autres signes
neurologiques alors que la persistance de la constriction physiologique de la pupille (réflexe
photomoteur ou pupillaire) n’est pas affectée.
Traitement
Il n’existe pas de traitement contre la kératopathie lipidique.
Une modification de la nourriture donnée au lapin est nécessaire et
une alimentation riche en graisses, ou à base de produits laitiers /fromage,
beurre, yogourt) doit être évitée.
L’effet d’une kératotomie superficielle n’est pas connu.
Si le taux sanguin de cholestérol est élevé, un traitement avec un
hypocholestérolémiant peut être commencé. L'administration d'atorvastine (2.5
mg/kg, qd) permet de diminuer le niveau de cholestérol et, ainsi, de réduire
les effets secondaires sur les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins
et les risques d'opacité de la cornée et de décollement de la rétine.
Remerciement
Toute ma gratitude à Michel
Gruaz (Suisse) pour la superbe photo de
l’accumulation de lipides à la périphérie de la cornée de ce lapin Rex.
Informations supplémentaires
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