La Pullicose
du lapin à Spilopsyllus cuniculi
Dr Samuel BOUCHER, LABOVET CONSEIL
Responsable de la Commission scientifique et sanitaire de
la FFC.
Lors de la nationale de la FFC, certains collègues juges
m’ont appelé car ils voyaient des petites bêtes noires sur la fourrure d’un
lapin. L’identification fut rapide. Il s’agissait de puces. Mais comment se
sont-elles trouvées là sur le lapin de concours ? C’est très rare. Et
étaient-ce bien des puces du lapin ou celles égarées d’un carnivore ? J’ai
donc recueilli quelques parasites et les ai identifiés le lendemain. Comme de
nombreuses questions m’ont été posées, j’ai décidé de rédiger cet article
pour FFC infos afin de faire part des réponses à tous. Bonne lecture.
Importance de la maladie
On distingue la pullicose due aux puces spécifiques du lapin (Spilopsyllus cuniculi) qui peut aussi
contaminer les lièvres de la pullicose temporaire
dues au passage de puces de chiens ou de chats contractées suite à la
cohabitation avec un carnivore infesté par Ctenocephalides
canis ou felis.
Le pullicose
spécifique est très fréquente, voire permanente, chez les lapins de garenne
et les lapins semi-domestiques (lapins vivant en semi-liberté dans les
jardins et gîtant dans des terriers aménagés). On la retrouve parfois sur des
lapins ayant accès à l’extérieur. On ne la rencontre jamais en élevage
rationnel.
La pullicose
temporaire se rencontre sur les lapins de compagnie.
La pullicose
est importante car la puce est un des vecteurs du virus de la myxomatose et
de la tularémie (due à Francisella tularensis), maladie qui peut contaminer l’homme.
Origine
de la maladie
Elle est due à la puce Spilopsyllus cuniculi pour ce qui concerne la pullicose spécifique du lapin, celle que l'on rencontre
sur le lapin de garenne. L’insecte adulte, de couleur brun foncé, mesure 1 à
3 mm et sa larve 2 à 5 mm. Le mâle est souvent plus
petit que la femelle. C’est un insecte de l’ordre des Spihonaptères
de la famille des Pullicidés.
Cette puce est très
dépendante du cycle hormonal de la lapine pour pouvoir se développer à son
tour ce qui la rend très spécifique. Elle contamine peu les autres animaux.
Néanmoins, il est possible de la trouver accrochée par son rostre sur un
chat, souvent au bord d'une oreille.
En ce qui concerne les pullicoses temporaires, il s'agit souvent de Ctenocephalides canis ou félis,
puces du chien ou du chat, qui sont hébergées par le lapin domestique suite à
un contact avec les carnivores.
Symptômes
et lésions
Les pullicoses
peuvent gêner l'animal et le rendre nerveux. Une irritation locale peut être
notée.
La rareté de
l'infestation sur les animaux domestiques ne permet pas de dire s'il existe
un phénomène allergique comme chez les carnivores domestiques (dermite allergique
aux piqûres de puces).
Diagnostic
Il est très facile
puisqu'il consiste à attraper le lapin par la peau du dos et à placer une
main sur son cou. La chaleur fera alors sortir les puces de leur cache. On
pourra aussi peigner le lapin avec un peigne spécial très fin. On voit aussi
très facilement les puces sur les oreilles d’un lapin infesté.
Puces visibles sur les oreilles d'un lapin californien
(photo Samuel Boucher)
L'identification des
puces est aisée. L’animal est facilement identifiable. En revanche, la
diagnose différentielle est moins facile et nécessite une loupe puissante et
quelques notions de systématique animale.
Puce du lapin adulte (photo Samuel Boucher)
Ainsi, l’adulte a un corps segmenté en 3 parties
(tête, thorax, abdomen) aplati latéralement, il a comme tous les insectes 3
paires de pattes dont la dernière (III) est adaptée au saut. Il n’a pas
d’aile et possède un appareil buccal de type piqueur. Le thorax de cette puce
est bien développé, dorsalement plus long que le premier segment abdominal.
Il n’y a pas de tubercule frontal saillant et la tête est anguleuse sur le
bord antéro-supérieur. Existent deux peignes (cténidies)
: 1 peigne céphalique qui a 4 à 7 épines et 1 peigne prothoracique
presque parallèles.
Tête de puce du lapin (photo Samuel Boucher)
La larve possède un corps vermiforme, segmenté et
recouvert de soies éparses. Elle est de couleur blanchâtre à brun-rougeâtre,
n’a pas de patte et a une tête brune bien distincte portant une paire
d’antennes et une corne frontale (caduque), suivie de douze segments, le
dernier segment portant 2 appendices locomoteurs Les œufs sont ovales, de couleur blanc nacré et ils
mesurent 0,5mm. Biologie
de la puce du lapin Les puces sont des ectoparasites obligatoires au stade
adulte. Elles vivent dans les milieux chauds et humides. La puce du lapin vit
fixée au lapin par ses pièces buccales durant une partie de la vie adulte.
C’est une puce dite sédentaire contrairement aux puces des chiens et des
chats, dites puces de fourrure qui vivent en permanence sur leur hôte. Elles
ne le quittent que pour passer immédiatement sur un autre hôte. Les larves sont mobiles dans le milieu extérieur. Elles
s’enfouissent dans le sol et fuient la lumière. Elles aiment les sols
ombragés et humides, les litières et, dans nos habitations, se logent dans
les tapis, les moquettes et entre les lames des parquets. Les nymphes sont
immobiles dans un cocon et à vie libre dans le milieu extérieur. La puce se nourrit en aspirant le sang de son hôte. On
dit qu’elle est solénophage. Elle se nourrit nuit
et jour et plusieurs fois durant le nycthémère si elle vit sur l’hôte, tous
les 2 à 3 jours si elle vit au sol et pique souvent à plusieurs reprises
avant de se gorger. Le repas dure 5 à 10 minutes et les déjections sont
observables 8 à 9 minutes après le repas. Les femelles, plus gourmandes que les mâles, consomment 15 fois leur poids en sang. Les larves se nourrissent de débris organiques provenant
de l’hôte (poils, squames, matières fécales) et de crottes sanglantes,
fraîches ou desséchées, émises par les puces adultes. Les nymphes ne se nourrissent pas. Les puces peuvent jeûner pendant plusieurs semaines en
attendant le retour de l’hôte au nid ou au terrier. Cycle
de vie Le cycle évolutif de Spilopsyllus
cuniculi est très particulier. La maturation des œufs nécessite des hormones
femelles. Dans des conditions de température optimales (21 à 30 °C), la larve
se transforme en adulte en une trentaine de jours environ, sinon cela prend
plusieurs mois. La femelle de Spilopsyllus cuniculi
peut détecter les niveaux de changement de certaines hormones du sang
d'une lapine en fin de gestation qui montrent qu'elle est proche de la mise
bas. La puce devient alors mâture sexuellement et s’accouple 8 à 48 heures
après un repas. Les puces se déplacent ensuite sur les lapereaux et
commencent à pondre dans le nid 24 à 48 heures après l’accouplement dix à
vingt œufs par ponte tous les deux à trois jours ce qui permet une
infestation massive des jeunes. Douze jours plus tard elles regagneront la
lapine et suivront son cycle hormonal. La ponte a lieu sur le pelage puis les
œufs tombent sur le sol. Si le milieu est favorable l’éclosion des larves
aura lieu environ dix jours après la ponte. Les larves mueront trois fois
puis se transformeront en nymphe entourée d’un cocon. L’adulte qui en sortira
trois semaines après devra trouver un repas de sang dans la semaine au risque
de mourir mais une fois ce repas fait, il devient capable de jeuner de
nombreux mois. Prévention Toute cohabitation avec
des carnivores domestiques infestés nécessitera la réalisation d'un
traitement antiparasitaire à la fois sur le chien ou le chat et sur le lapin.
L'environnement sera
désinsectisé avec succès au moyen de bombes fumigènes libérant un insecticide
actif sur les larves, les adultes et empêchant le développement des œufs. Traitement La plupart des
insecticides habituels employés pour les chiens et les chats peuvent être
employés chez le lapin. L'ivermectine est très
souvent utilisée également. On
évitera le fipronil toxique pour le lapin. Quelques dizaines de
minutes après l'administration, le lapin se met à convulser. Il perd
l'équilibre et s'allonge alors souvent sur le côté. Un hépatoprotecteur
et un diurétique léger seraient alors administrés. Le lufénuron
peut être administré sans inconvénient lors de pullicose.
Tous ces traitements sans étude sur l’élimination des résidus sont à réserver
aux lapins de compagnie exclusivement à l’exception de l’ivermectine
qui sera prescrite par le vétérinaire avec un temps d’attente adapté aux
spécialités utilisées hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Les
lapins ne pourront être consommés qu’après écoulement de ce temps. Il
convient lors du traitement de désinsectiser les clapiers et surtout les
boites à nid. |
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