Pneumonie chez le lapin

 

 

Esther van Praag, Ph.D.

 

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Les lapins sont sensibles aux maladies des voies respiratoires. Les plus courantes sont d’origine bactérienne ou fongique, mais elles peuvent être secondaires à des maladies virales comme la myxomatose ou la maladie hémorragique du lapin. Elles peuvent affecter les voies respiratoires supérieures (cavité nasale) ou inférieures (bronches et poumons).

La pneumonie est causée par l'entrée d'éléments étrangers dans les poumons, comme des microorganismes, ce qui entraine une nécrose des tissus pulmonaire, plus particulièrement au niveau crânio-ventral du lobe supérieur. De nombreuses bactéries ou microorganismes peuvent infecter les poumons des lapins :

·        Pasteurella multocida,

·        Bordetella bronchiseptica,

·        Escherichia coli,

·        Pseudomonas aeruginosa, Pseudomonas sp.,

·        Staphylococcus aureus, Staphylococcus sp.,

·        Streptococcus sp.,

·        Francisella tularensis (tularémie)

·        Yersinia pseudotuberculosis (pseudotuberculose),

·        Vibrio fulnificus,

·        Moraxella bovis,

·        Bacillus sp.

Parfois une combinaison de bactéries est observée, comme Bordetella bronchiseptica et Pasteurella multocida ; Pasteurella multocida et Escherichia coli; Escherichia coli et Bordetella bronchiseptica; Pasteurella multocida et Pseudomonas aeruginosa. Il est possible que la présence d'une des bactéries renforce les effets pathogènes de l'autre, aggravant la maladie et les signes cliniques observés.

L’appellation de « pasteurellose » un peu désuète, à cause de la diversité de bactéries pathogènes.

Kim Chilson

Lapin éternuant...

La pneumonie est difficile à diagnostiquer chez le lapin. Toutes les classes d'âge et de sexe peuvent être affectés. En effet, les signes cliniques peuvent être souvent absents, ou se limiter à des éternuements ou une toux profonde et rauque ressemblant un peu à l’aboiement d’un chien. Le lapin présente un écoulement nasal chronique, un manque d’énergie (léthargie) et une diminution de l’appétit. La bactérie Pasteurella multosida cause une pneumonie subaiguë chez les lapins, caractérisée par de la toux, des difficultés respiratoires et une perte de poids.

Michel Gruaz

Seul signe apparent chez un lapin adulte de race Rex variété japonais enrhumé sans raison connue: une légère sécrétion nasale purulente. Après autopsie, il s'avère que ces poumons sont affectés et qu'il souffrait d'une pneumonie (voir plus bas).

A un stade avancé, le lapin peut présenter une détresse respiratoire, avec respiration par la bouche, et de la fièvre.

MediRabbit

Position de la tête en arrière, typique d’un lapin en détresse respiratoire et respiration par la bouche, gardée ouverte. Il garde l’oeil fermé en raison d’une conjonctivite douloureuse.

Les bactéries infectant les voies respiratoires du lapin peuvent se répandre vers d’autres parties du corps, ou d’organes et causer une conjonctivite, une infection de l’oreille moyenne avec apparition d’un torticolis, une pleurite (inflammation des tissus entourant les poumons), une péricardite (inflammation des tissus entourant le cœur), un pyomètre, ou un abcès testiculaire.

Si la bactérie infectante réussit à s’infiltrer dans la circulation sanguine, une septicémie se développe, qui est le plus souvent mortelle chez le lapin, même avec un traitement agressif aux antibiotiques. 

Lors de l’autopsie d’un lapin décédé de pneumonie, on observe un affermissement rougeâtre ou grisâtre cranio-ventral des poumons, ce qui typique de pneumonie chez le lapin, en présence ou en absence d’emphysème.

 

Michel Gruaz

Poumons du lapin adulte de race Rex variété japonais ci-dessus, présentant des sécrétions nasales comme seul signe clinique de pneumonie. On observe des affermissements rougeâtres, plus particulièrement au niveau des lobes crâniaux-ventraux. Les tissus affectés ont une consistence ferme et prennent une couleur rouge foncée. L'hépatisation de couleur rouge (aspect semblable à celui du foie) du tissu pulmonaire peut être indicatif d'une infection par, par ex. Pasteurella multocida ou Bordetella bronchiseptica. A un stade plus avancé, l'hépatisation devient grisâtre et sa localisation est plus marqué.

Examen clinique

Les points suivants doivent être vérifiés, si une infection des voies respiratoires est suspectée:

1.    Examen complet. Contrôle du rythme respiratoire (30 to 60/min). Un rythme plus élevé est normal, un rythme inférieur est anormal. Détecter une détresse respiratoire, ou la respiration par la bouche. 

2.    Examiner attentivement la présence de mucus dans les narines. Ceci n’est pas toujours facile, car les lapins se lavent méticuleusement et régulièrement. Parfois on observe la présence de fourrure humide et emmêlée sur les pattes avant, signe possible de la présence de mucus nasal.

1.    Examen complet du sang (CBC) afin de découvrir les changements hématologiques, tels qu’une élévation du nombre de neutrophiles (neutrophilie) ou une diminution du nombre de globules blancs dans le sang (leucopénie). Cet examen permet aussi de vérifier l’état de fonctionnement des organes vitaux.

2.    Radiographie du thorax, qui permet de détecter la présence d’une infection bactérienne (opacité accrue), d’une bronchite, la présence de masses (abcès ou néoplasie) ou d’un œdème (accumulation anormale de fluides autour des poumons et du cœur).

Tal Saarony

Lapine ayant été diagnostiquée avec une possible pneumonie.

3.    Examiner la face, les os faciaux, afin de découvrir des irrégularités telles que la présence de renflements, d’abcès Examiner la présence de conjonctivite ou une dacryocystite (infections des glandes lacrymales) au niveau des yeux.

4.    Au besoin, prendre un échantillon nasal et/ou trachéal afin de faire une culture bactérienne. Dans les narines, on devrait idéalement procéder des deux côtés, car une infection peut être unilatérale. L’échantillonnage nasal peut être réalisé au moyen d’un tampon avec une pointe en calcium alginate monté sur un fil flexible, enfoncé à une profondeur de 1 et 4 cm dans les narines ou la région naso-pharyngale. Une méthode alternative est une aspiration nasale.

5.    Examiner les oreilles pour d’éventuelles infections. Une radiographie de la tête permet d’observer une opacité accrue de l’oreille moyenne et interne. Les infections auriculaires accompagnent souvent celles des voies respiratoires, car les bactéries peuvent migrer vers l’oreille interne  à travers le tube d’Eustache.

Dr. Estella Böhmer, curo–X-ray

Infection chronique de l’oreille moyenne sur une radiographie, avec un épaississement de la paroi de la cavité de l’oreille moyenne (bulle tympanique) (flèche rouge). Ce lapin souffre aussi de problèmes dentaires: malocclusion des incisives, élongation rétrograde des dents jugales (flèches blanches), une modification pathologique des premières et deuxièmes dents jugales et d’infections entourant leurs racines (infections périapicalesflèches jaunes). La radiographie montre aussi une infection chronique du canal nasolacrymal ou de rhinite secondaire accompagnée de sécrétions nasales.

Traitement

Un traitement de la pneumonie est difficile. Il doit être long (au minimum 4 à 12 semaines) et agressif et vise essentiellement à augmenter la qualité de vie du lapin. Si la pneumonie est légère, l’administration orale d’enrofloxacine ou de ciprofloxacine, accompagné de gouttes nasales de gentamicine peut aider au rétablissement du lapin.

La triméthoprime sulfadiazine est un antibiotique bactéricide souvent utilisé dans le traitement d’affections du système gastro-intestinal et urinaire. Elle est efficace contre de nombreuses infections bactériennes qui affectent les lapins, tels que Pasteurella sp., Clostridia sp., Staphylococcus sp., Bordetella sp., etc. Elle peut être utilisée durant une longue période de temps, à dosage réduit. Cet antibiotique montre pourtant de faible résultat chez les lapins et souvent la maladie retourne de façon aggravée après l’arrêt du traitement. Ceci peut être dû au fait que le temps de demi-vie de la triméthoprime chez le lapin n’est que de 40 minutes.

L’azithromycine, une érythromycine modifiée qui n’enduit pas les effets secondaires de cette dernière chez les lapins, est très efficace dans le traitement de Bordetella sp. (comme par ailleurs l’enrofloxacin). Le dosage de l’azithromycine utilisé chez les lapins (50mg/kg PO QD (SID)) est beaucoup plus élevé que chez les autres petits animaux, tels le chien ou le chat (5-8mg/kg). Le traitement dure en général entre 7 et 10 jours, après lesquels une évaluation est faite et une éventuelle prolongation du traitement est envisagée.

Les céphalosporines sont des antibiotiques à large spectre d’action, utilisé pour traiter entre autres les infections osseuses, génito-urinaires, de la peau des tissus mous et des voies respiratoires (associées à Pasteurella sp.). Il existe plusieurs générations de céphalosporines, et chacune est ciblée contre certains groupes spécifiques de bactéries. Même si ces antibiotiques sont sans danger pour le lapin (sous forme injectée uniquement), ils sont potentiellement néphrotoxiques.

La thérapie contre Pseudomonas sp., une des infections bactériennes les plus difficiles à traiter, doit être agressive. Un test de sensibilité doit être réalisé, car cette bactérie est résistante à de nombreux antibiotiques. Les traitements incluent une combinaison d’antibiotiques, comme par exemple :

       Enrofloxacine + gouttes nasales de gentamycin,

       Enrofloxacine + nébulisation avec de l’amikacine (si localisé dans les voies supérieures enrofloxacine + doxycycline),

       Céphalosporine/tobramycine (les deux sous forme injectés uniquement).

L’azithromycine n’est pas efficace contre Pseudomonas sp.

D’autres antibiotiques - sans danger pour le lapin, ont montré de bon résultats dans les traitements des infections respiratoires incluent :

·        l’amikacin, injectée de façon subcutanée ou par nébulisation, dans le traitement des bactéries Gram-négatives,

·        l’enrofloxacine (si injecté, cet antibiotique peut entraîner la formation d’abcès stériles. La dilution de la solution antibiotique avec une solution saline stérile 50:50 permet d’éviter ce problème.),

·        le chloramphénicol (peut exceptionnellement entraîner une diminution de l’appétit),

·        la gentamycine, injectée, sous forme de gouttes ou par nébulisation, dans le traitement des bactéries Gram-négatives.

Pour plus d’informations, voir: Liste des antibiotiques à usage sûr chez les lapins.

A côté de la thérapie systémique aux antibiotiques, la nébulisation avec des solutions salines ou mucolytiques, avec des antibiotiques. Ceci permet d’amener les médications au niveau des bronches et des poumons en cas de rhinites, sinusites ou de pneumonie.

Si le lapin refuse de se nourrir ou de boire, il dit être alimenté de force. L’administration quotidienne de fluides sous-cutanés permettent de garder l’animal bien hydraté.

Si la maladie respiratoire est accompagnée de conjonctivite et/ou de dacryocystite, une thérapie antibiotique locale doit accompagner le traitement.

A. van Praag

Flora au dessus d’un bol d’eau chaude, afin de respirer de l’air humide.

 

Vidéos au sujet de la nébulisation

Utilisation d’un nébuliseur chez un lapin souffrant d’une infection des voies respiratoires supérieures.

 

Chambre de nébulisation, lorsque le lapin ne supporte pas le masque, panique ou se montre agressif.

Remerciements

Un grand merci au Dr. Estella Böhmer (Chirurgische u. Gynäkologische Kleintierklinik, Ludwig-Maximilians-Universität München, Germany), à Michel Gruaz (Suisse), à Kim Chilson (USA) et à Tal Saarony (USA) pour la permission d’utiliser leurs photos. Un grand merci à Debbie Hanson. Sans son aide, temps et expertise, ces vidéos au sujet de la nébulisation d’un lapin n’auraient pas pu être réalisées. Un grand merci aussi à Rachel Ihlenfeldt et son lapin Bunbun pour la démonstration des différentes techniques.

Informations supplémentaires

Aoyama T, Sunakawa K, Iwata S, Takeuchi Y, Fujii R. Efficacy of short-term treatment of pertussis with clarithromycin and azithromycin. J Pediatr. 1996; 129:761-4.

Bourne D. Bacterial Pneumonia in Rabbits and Ferrets. http://wildpro.twycrosszoo.org/S/00dis/Bacterial/PneumoniaRabbits.htm

Ladefoged O. The absorption half-life, volume of distribution and elimination half-life of trimethoprim after peroral administration to febrile rabbits. Zentralbl Veterinarmed A. 1979; 26(7):580-6.

Ladefoged O. Pharmacokinetics of trimethoprim (TMP) in normal and febrile rabbits. Acta Pharmacol Toxicol (Copenh). 1977; 41(5):507-14.

 

 

 

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