Le foie, un organe délicat chez le lapin

 

 

Michel Gruaz  -  Esther van Praag, Ph.D.

  

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Le foie est un organe volumineux qui occupe une partie importante de l’abdomen du lapin. Sa surface est homogène et de couleur rouge-brun. Le foie possède une fonction endocrine et exocrine, avec la sécrétion de bile.

Le foie est composé de 2 lobes majeurs, droit et gauche, qui sont séparés par une scissure médiane entre lesquels se trouvent les lobes accessoires : le lobe caudé et le lobe carré. Le foie est maintenu est place dans la cavité de l’abdomen par des ligaments relié au diaphragme et à la paroi dorsale de l’abdomen. Son rôle est central dans la synthèse de protéines, dans le métabolisme des sucres et le stockage des nutriments, dans la dégradation des toxiques et le traitement des déchets organiques produits par les cellules du corps. Il a en plus une fonction exocrine, avec la sécrétion de bile. Cet équilibre peut être rompu lors d’une maladie, de la présence de bactéries, de parasites ou de toxines dans l’alimentation. Les troubles du foie sont peu reconnues chez le lapin car les manifestations cliniques sont vagues et peu caractéristiques. 

Vésicule biliaire simple et double

La vésicule biliaire est un organe creux en forme de poire qui se trouve contre le foie, dans la dépression de la surface caudale. Il produit la bile, un liquide visqueux de couleur jaune-verdâtre qui est déversé dans l’intestin grêle via le canal biliaire. Cette sécrétion favorise la digestion des aliments gras. Chez le lapin la bile est produite de façon continue et est stockée dans la vésicule biliaire avant d’être déversée dans l’intestin grêle. La bile du lapin est composée essentiellement de biliverdine, aux effets antioxydants prononcés, et non de bilirubine. La quantité de bile produite par cet animal et par jour est énorme : environ 250 ml. Rapporté au poids, ceci représente 7 fois la quantité produite par un chien. Une vésicule biliaire double ou bilobée est une observation rare.

Foie et vésicule biliaire normales

Le dédoublement de la vésicule biliaire a lieu durant la phase embryonnaire. L’ébauche de la vésicule biliaire se subdivise, et résulte en deux vésicules complètes, de taille et de volume normaux. Leurs canaux respectifs assurant le transport de la bile vers l’intestin. Ces canaux peuvent fusionner à mi-chemin ou rester séparés. Le dédoublement de la vésicule biliaire semble affecter les herbivores plus que les carnivores ou l’homme : 1 cas sur 28 chez les bovidés et 1 cas sur 85 chez le mouton. Quelques cas ont été signalés chez le lapin. Différentes manifestations cliniques sont associées à cette anomalie congénitale : douleurs et diminution de l’appétit chez le lapin. Chez d’autres animaux on observe aussi des coliques biliaires, une inflammation aigüe de la vésicule biliaire ou la présence de calculs biliaires.

Michel Gruaz  

Foie d’un lapin avec une double vésicule biliaire.

Torsion d’un lobe du foie

La torsion d’un lobe du foie est un évènement sporadique (non-héréditaire) dont la cause n’est pas bien élucidée. La plus vraisemblable est une dilatation anormale de l’estomac et de l’intestin suite à une obstruction intestinale. Les ligaments retenant le foie en place dans l’abdomen sont distendus et affaiblis, permettant la torsion d’un lobe. D’autres causes incluent un traumatisme externe, une infection bactérienne ou parasitaire ou une absence congénitale de ligaments. Une prédisposition a été suggérée pour les béliers Madagascar nains. Mais ceci reste à vérifier, car la lignée des lapins affectés n’a pu être établie. La gestation n’est pas une cause de torsion hépatique, ni chez la lapine, ni d’autres animaux.

Dans 63% des cas, une torsion du lobe caudé est observée chez le lapin. Ce lobe est rattaché au foie sur une très petite surface seulement, facilitant son déplacement dans la cavité abdominale ou sa torsion. La circulation sanguine est alors entravée, provoquant une atrophie du lobe. Sa consistance devient dure et il prend une couleur foncée. La condition est douloureuse et entraine une diminution de l’appétit et la mort par choc après quelques jours. Si le lobe se rompt, l’hémorragie qui en résulte cause la mort rapidement. Une minorité de lapins survit lorsqu’elle reçoit des soins de soutien consistant en une assistance alimentaire orale au moyen d’une seringue, de fluides sous-cutanés stériles, d’un analgésique, d’un antimicrobien/anticoccidien et d’agents stimulants la motricité intestinale (1 à 2 cc d’huile d’olive est efficace aussi).

Michel Gruaz  

Foie avec torsion du petit lobe caudal et coupe à travers ce lobe.

Bactéries, coccidies et parasites

Des bactéries peuvent envahir le foie et causer des abcès. Les plus communes sont les pasteurelles, les colibacilles, ou les clostridies. Au contact d’oiseaux ou de bovidés, le foie du lapin peut aussi être infecté par des salmonelles, des listérias ou Yersinia sp, responsable de la pseudotuberculose. Quant aux protozoaires parasites, ce sont ceux responsables de la coccidiose (Eimeria stiedae) et de la toxoplasmose qui infectent le foie du lapin. La coccidiose affecte plutôt les jeunes animaux. Leur système digestif est particulièrement sensible à ce parasite lors de la transition alimentaire du lait maternel à la nourriture végétale, plus difficile à digérer. Les signes d’une infection incluent une diminution de l’appétit, de la diarrhée, du mucus entre les crottes dures, une perte de poids, et la mort. Le jeune lapin a souvent le ventre gonflé. Les lapins plus âgés et en bonne santé développent une certaine immunité contre ce parasite. L’examen du foie révèle la présence de nodules de couleur jaunâtre sur la surface qui sont difficiles à différencier d’un abcès d’origine bactérienne.

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Ces structures blanches sont difficiles à différencier entre abcès et coccidies.

Les vers parasites du foie sont plutôt occasionnels chez le lapin, après ingestion de nourriture contaminée par des escargots, des chiens ou un renard. Le lapin n’héberge pas le parasite adulte, mais une forme intermédiaire. Il s’agit surtout de la grande douve du foie (Fasciola hepatica) présente dans les prairies, du ver solitaire du chien (Taenia sp.) et du ver du renard (Echinococcus multilocularis). Ces deux derniers forment des kystes hydatiques contenant la larve du parasite. Ces kystes peuvent prendre un certain volume dans l’abdomen et comprimer le foie du lapin. Peu de signes cliniques indiquent la présence de ces vers chez le lapin vivant.

Toxémie et lipidose du foie

La toxémie de gestation est un désordre grave causé par un dérèglement du métabolisme énergétique chez la lapine en fin de gestation. La croissance intra-utérine de la progéniture jusqu’à leur naissance demande beaucoup d’énergie. Si cette demande n’est pas compensée par une alimentation riche en calories, le niveau de glucose sanguin de la lapine baisse rapidement. Les tissus adipeux sont alors mobilisés et libèrent des graisses dans le sang, empoisonnant le corps. Le foie ne fonctionne plus correctement et n’élimine pas les corps cétoniques. D’autres organes vitaux sont aussi affectés comme les reins. Le pH de l’urine est plus bas (5-6), sa couleur est claire et pauvre en sédiments, mais elle contient des corps cétoniques et des protéines. Le transit intestinal est diminué ou même arrêté. L’apparition de diarrhée et/ou une diminution de la quantité de crottes produites sont fréquents. Lors d’une autopsie, les organes tels le foie, la thyroïde, le cœur, les reins et les glandes surrénales sont très pâles. Ces organes peuvent présenter des infiltrations graisseuses et des foyers nécrotiques. L’estomac ne contient que peu de nourriture. Des hémorragies sont visibles au niveau du placenta et de l’utérus. Une autre conséquence d’une gestation difficile ou de l’allaitement d’une grande nichée est la lipidose hépatique. L’alternance de périodes d’alimentation suivie du refus de s’alimenter provoque une accumulation de graisses dans le foie et les reins de la lapine. Leur fonctionnement en est altéré. La lapine mange de moins en moins, devient léthargique et perd du poids.

D’autres causes de lipidose hépatique incluent des problèmes dentaires ou une alimentation pauvre en fibres. L’obésité du lapin se caractérise elle aussi par une accumulation anormale de graisse dans les cellules du foie liée à une alimentation trop riche en sucres (et non en lipides). Au lieu de les métaboliser et d’en éliminer l’excès, le foie stocke les lipides au sein de ses tissus.

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Foie très pâle d’une lapine morte de toxémie de gestation.

Toxines, émanations et pesticides

Différentes toxines affectent le foie du lapin et altèrent son fonctionnement. L’aflatoxine d’origine fongique est contenue dans des céréales contaminées par des moisissures. Elle est très toxique pour le foie et peut entraîner la mort rapidement. Des toxines d’origine végétales sont suspectées de causer des problèmes neurologiques comme le syndrome de la tête baissée. Le lapin garde la tête baissée en avant, incapable de la relever, garde le dos arqué et refuse souvent de se déplacer et de se nourrir. La gravité dépend de cas en cas. Certains lapins se remettent après quelques jours, d’autres ne survivent pas. Le plomb et les métaux lourds causent aussi un disfonctionnement grave du foie. L’utilisation de sciure de pin ou de cèdre, de vermiculite doit être évitée dans la cage ou le clapier, même si leur odeur est agréable. En effet, les émanations de ces sciures ont un effet toxique sur le foie.

Les pesticides, quant à eux, affectent le système nerveux, avec des signes d’hyperactivité, d’hypersensibilité et/ou de paralysie accompagnés de difficultés respiratoires, de diarrhée, d’hypothermie et/ou d’un saignement nasal. Les jeunes sont plus sensibles et plus affectés que les adultes. L’état général de santé et de nutrition de l’animal joue aussi un rôle. Le traitement consiste essentiellement à aider le lapin en lui donnant une alimentation assistée et de fluides pour éviter la déshydratation. L’autopsie de lapins intoxiqués montre que le foie a une couleur pâle avec une hypertrophie cellulaire et une dégénérescence graisseuse. Ces troubles précèdent souvent le coma et la mort de l’animal.

Position typique d'une femelle intoxiquée, avec paralysie de l'arrière train.

Poumons de la lapine ci-dessus, avec de nombreuses hémorragies multifocales au niveau des poumons.

Déformation de la colonne vertébrale

Une cause moins fréquente de maladie du foie est une déformation osseuse du dos comme la lordose, observée de façon sporadique chez le lapin. La courbure de la colonne vertébrale vers l’intérieur de l’abdomen cause une pression sur la masse abdominale et une compression des vaisseaux sanguins drainant le sang du cœur vers les organes et vice-versa. Le foie et les reins sont principalement affectés. Au niveau du foie, le flux sanguin provenant de la veine cave inférieure est restreint, d’où une activité hépatique réduite. La sécrétion de bile dans l’intestin est faible, entraînant une mauvaise digestion du bol alimentaire. En conséquence, les toxines s’accumulent dans le foie, qui prend un aspect congestionné, avec une couleur rouge foncée, une taille légèrement plus grande que normale, et des bords arrondis et rugueux. La congestion passive du foie peut aussi être secondaire à une insuffisance cardiaque. Enfin, le foie du lapin peut développer des tumeurs cancéreuses ou des tumeurs des canaux biliaires.

 

Michel Gruaz  

Sévère courbure de la colonne vertébrale vers l’intérieur du thorax chez un jeune lapin Argenté de Champagne.

La déformation spinale est accompagnée d’une congestion du foie, conséquence possible d’une compression des vaisseaux sanguins du cœur vers cet organe.

Les maladies du foie sont ainsi nombreuses et souvent difficile à détecter chez le lapin. En effet, les signes sont peu caractéristiques en plus du fait que le lapin a une tendance à cacher la présence de maladie. Reste l’observation : déjections, leur odeur et forme, la présence de mucus, quantité d’eau bue, en plus des tests vétérinaires permettant d’établir plus précisément une maladie du foie.

Further information

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