Entérite bactérienne et diarrhée

chez le lapin sevré et adulte

 

 

Esther van Praag, Ph.D.

 

 

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Chez le lapin, la santé du système digestif est considérée comme la base de la santé générale de l’animal. Il n’y a pas une cause spécifique et unique qui entraine un dérèglement du transit digestif, mais une combinaison de facteurs : stress, le passage d’une alimentation lactée à un régime herbivore chez les lapereaux, hygiène, parasites, mue et trichobezoar (bloc de poils dans l'estomac) et problèmes dentaires. En réponse, les lapins répondent par des dérangements intestinaux caractérisés par l’apparition de diarrhée. Les nouveau-nés sont peu concernés, car ils sont protégés par le lait maternel qui possède des propriétés antibactériennes empêchant la croissance de bactéries pathogènes. Les jeunes âgés de 4 à 7 semaines, qui viennent d’être sevrés, souffrent principalement d’entérotoxémie avec une destruction presque totale de la flore intestinale. Passé cet âge, les jeunes lapins et les adultes souffrent d’entérite mucoïde, avec une destruction partielle de la flore bactérienne.

Diarrhée

La diarrhée intestinale est favorisée par les caractéristiques suivantes liées à la biologie du lapin:

1.     Le lapin est un animal craintif, qui a de la peine à ajuster sa réponse d’alarme (décharge d’adrénaline) à la gravité de la situation.

2.     Le lapin possède une physiologie du système digestif particulier, caractérisé par la coprophagie (ré-ingestion d’un certain type d’excrément, les caecotrophes). En cas d’alarme ou de stress, une hormone est sécrétée dans le sang et affecte le système nerveux de l’intestin, ralentissant le passage de la nourriture et bloquant le cycle des caecotrophes.

3.     Après un évènement stressant (alarme ou attaque), le contenu du cecum est alcalinisé, ce qui influence l’environnement intestinal et modifie la flore bactérienne intestinale. Des bactéries pathogènes comme Escherichia coli ou Clostridium sp. peuvent se multiplier et devenir dominantes.

4.     L’apparition de la maladie chez les lapins est généralement retardée par rapport à l’évènement stressant, et apparaît quelques jours plus tard.

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Adar et Flora prenant soin de leur compagnon malade, souffrant de diarrhée (flèches)

 

Les symptômes de troubles digestifs ou d’une entérite sont presque toujours identiques. Les premiers signes, qui durent généralement entre 1 et 3 jours, passent souvent inaperçues. Le lapin mange moins et présente des signes de constipation. Les excréments mous provenant du caecum ne sont en général pas ré-ingérés oralement (coprophagie). Après le 5ième jour, une diarrhée modérée apparaît, accompagnée d’une déshydratation de la peau et de l’organisme. La diarrhée consiste en petites quantités d’excréments liquides qui souillent la région anale du lapin. Cette phase peut entraîner la mort, parfois même avant les premiers signes de diarrhée.

Deux ou trois jours plus tard, une forme sérieuse de la maladie se développe. Le lapin refuse de se nourrir et de boire, et développe une diarrhée importante. Souvent il émet un grincement de dents en réponse aux douleurs intestinales et peut tomber dans un coma. A ce stade, le pronostic vital de l’animal est engagé et le taux de mortalité est élevé. On observe néanmoins des animaux ayant été dans un coma pendant une journée, qui survivent et guérissent en quelques jours sans séquelles.

Un examen post-mortem de l’intestin montre des lésions atypiques. Durant la phase aigüe de la maladie, la paroi de l’intestin apparait endommagée ou congestionnée. Le contenu de l’intestin se liquéfie. Son aspect est contusionné ou congestionné. Le caecum apparaît congestionné, avec des raies rougeâtres et est rempli de gaz et un peu de nourriture.

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Tal saarony

Région anale d’une lapine souillée par des excréments mous, riche en eau et mal formé (flèche). Lorsque la production de matière fécale molle devient chronique, une aloécie peut se développer au niveau du ventre. la peau devient enflammée et douloureuse.

Causes

Il y a des causes spécifiques et non-spécifiques à la diarrhée.

Les lapins jeunes répondent mal au stress, surtout durant le sevrage, aux bruits non-identifiés, à un transport, à un nouvel environnement, et à de nouvelles personnes ou animaux. Un changement de l’alimentation ou l’introduction de nourriture fraiche ou de fruits peut aussi entraîner des troubles digestifs. En général, ce n’est pas la nourriture elle-même qui est responsable, mais plutôt sa composition, par exemple un manque de fibre, trop de protéines, un moulage trop fin, ou une hydratation impropre.

Certains virus ou bactéries causent des entérites, due au développement anormal de Corynebacteria, Clostridium sp., Pasteurella sp. et Escherichia coli. La salmonellose est rare chez les lapins. Les vers intestinaux, comme les trématodes, les cestodes (vers solitaire), les nématodes (Nématodes parasites), ou protozoaires (Coccidiose) ; tous les parasites intestinaux sont également une cause commune de diarrhée, avec la coccidiose comme principal agent pathogène (voir : Inflammation protozoaire du système digestif : coccidiose).

Des causes spécifiques de diarrhée peuvent être les antibiotiques (voir : “Antibiotiques dangereux pour les lapins”) ou des nitrates dans l’eau.

Entérite bactérienne et mucoïde

La diarrhée mucoïde affecte les lapins en croissance et les femelles allaitantes. Du mucus translucide et gélatineux s’entremêle aux excréments mous provenant du caecum. Ce type particulier d’entérite possède plusieurs causes, parmi lesquelles une origine bactérienne ou des défauts nutritifs (nourriture pas assez riche en fibres) ou une déshydrations.

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Kim Chilson

 

“Fils” de mucus (gauche) ou “bouchon” de mucus (droite) excrété parmi le matériel fécal. La présence de mucus est fréquemment observée une fois que la diarrhée a disparue.

L’entérite d’origine bactérienne se développe rapidement, en 3-4 jours, causant la mort de l’animal avant apparition de la diarrhée. Les bactéries comme Clostridium perfringens et Escherichia coli sont à l’origine des entérites bactériennes. Chez un lapin sain, le nombre de colibacilles présent dans les excréments est relativement bas, (102-103 par gramme d’excrément). Il est par contre élevé chez ceux souffrant de diarrhée. Une association entre la présence de coccidies et des bactéries Escherichia coli et/ou Clostridium perfringens peut être observées dans les cas de diarrhée sévère. La bactérie produit des toxines, mais il semblerait que leur présence dans le système digestif ne soit pas seul en cause de la diarrhée. Il faut un stress supplémentaire additionnel pour induire de la diarrhée, comme par exemple une nourriture non-équilibrée ou un choc thermal (changement de temps, baisse soudaine de la température ou de la pression atmosphérique).

Prof. Richard Hoop

Prof. Richard Hoop

Prof. Richard Hoop

Vue microscopique de Clostridium perfringens et de Clostridium spirifirme (haut) et culture bactérienne de C. perfringens.

Il existe 5 formes de Clostridium perfringens, qui sont classifiées selon leur production de toxines. Ces toxines provoquent des lésions locales dans l’intestin, mais leurs actions peuvent aussi affecter le fonctionnement d’organes tels que le foie et les reins.

Escherichia coli possède cinq mécanismes différents pour envahir l’intestin et causer une maladie. Les bactéries envahissent l’intestin en adhérant aux vili des entérocytes et commencent à proliférer. Parfois cette bactérie produit des toxines. La présence des toxines dans le système digestif stimule la sécrétion d’eau et d’électrolytes au niveau de la muqueuse intestinale. La prolifération et la production de toxines entraînent l’apparition de diarrhée.

Les deux bactéries ci-dessus sont souvent associées à la présence de coccidies.

Prof. Richard Hoop

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Vue microscopique d'Escherichia coli dans un échantillon de tissu et culture de cette bactérie dans une boite de Pétri.

Traitement

Le traitement contre les entérites d’origine bactériennes arrive souvent trop tard, car la maladie progresse rapidement et le lapin est sévèrement déshydraté. Une cure antibiotique et ceux à dérivés sulfonés permettent de prévenir la dispersion de la maladie à d’autres lapins. Des produits anti-diarrhées peuvent arrêter la diarrhée, comme le Hylak, un concentré de ferments lactiques. La cholestyramine permet de lier les toxines libérées par les bactéries pathogènes, comme les toxines alpha de Clostridium perfringens. Les poudres ou pâtes probiotiques, même si controversée, permettent la croissance des bactéries entériques saines.

Si le lapin est déshydraté il faut lui administrer des fluides oralement avec une seringue ou sous forme sous-cutanés. Si le lapin refuse de se nourir, il faut le gaver avec une seringue. Il existe différentes préparations vétérinaires à cet effet, ou des préparations-maison à base de granulés moulus finement, quelques gouttes d’huile d’olive et des pots pour bébé à base de nourriture végétale (courge, carottes, pomme, etc.) dilués dans de l’eau tiède pour former une solution pâteuse qui peut être facilement aspirée dans une seringue.

Même si controversé, l’huile d’olive vierge et pressé à froid possède de multiples propriétés en cas de constipation ou de diarrhée. Sa présence stimule la sécrétion de sucs digestifs comme la bile, stimule légèrement le mouvement péristaltique de l’intestin et lubrifie la paroi de l’intestin. Les propriétés de l’huile d’olive favorise aussi la croissance des bactéries intestinales saines au détriment des pathogènes.

En cas de présence excessive de levures dans l’intestin, la quantité d’aliments riches en carbohydrates doit être réduite. Le manque de sucres entrainera une diminution de la population de levures. Si cela ne suffit pas, il est possible d’administrer un médicament antimycosique comme la nystatine.

Des plantes aux propriétés médicinales ou autres peuvent aider à stopper la diarrhée ou au rétablissement du lapin après la maladie. Elles sont présentées dans les tableaux ci-dessous.

Herbes médicinales

Applications

Parties de la plante

Remarques

Aneth (Anethum graveolens)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Feuilles et tiges fraiches, graines mélangées à l’aliment

 

Lavande (Lavandula officinalis)

Calmant et agit contre les gaz intestinaux

Feuilles, tiges ou fleurs fraiches

Petites quantités, une fois par semaine.

Marjolaine (Origanum marjoricum)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Combat les infections bactériennes dans l’intestin

Feuilles

Une tige chaque jour.

Oregan (Origanum vulgare)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Combat les infections bactériennes dans l’intestin

Feuilles

Une tige chaque jour.

 

 

 

 

Mélisse (Melissa officinalis)

Calmant

Diminue la présence de gaz dans l’intestin

Feuilles, tiges, fleurs

 

Persil (Petroselinum crispum)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Diminue la présence de gaz dans l’intestin

Feuilles, tiges, racine

 

Romarin (Rosmarinus officinalis)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Feuilles fraiches ou séchées

 

Thym (Thymus vulgaris)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Combat les infections et la présence de gaz dans l’intestin

 

 

 

 

Plantes

Applications

Parties de la plante

Remarques

Agrimoine (Agrimonia eupatoria)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Feuilles fraiches ou séchées

 

Bambou (Bambusa sp., Fargesia sp., Phyllostachys, sp.)

Riche en minéraux et vitamines

Feuilles et tiges âgées (les jeunes pousses et feuilles peuvent être toxiques)

Petites quantités tous les jours pour divertir les jeunes lapins

Banane (Musa acuminata)

Minéraux et éléments traces

Frais ou séchés.

Augmente l’appétit et la prise de poids.

Carotte sauvage (Daucus carota)

Calmant

Diminue la présence de gaz dans l’intestin

Frais ou cuit

La carotte cuite calme l’intestin et diminue la diarrhée

Chêne (Quercus sp.)

Agit contre la diarrhée et les parasites intestinaux

Feuilles fraiches

Quelques feuilles par jour (pas tous les lapins apprécient le goût des feuilles de chêne.

Chicorée sauvage (Cichorium intybus)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

Feuilles

 

Erable (Acer sp.)

 

Feuilles

Quelques feuilles par jour

Fenouil (Foeniculum vulgare)

Calmant

Contre la présence de gaz dans l’intestin, la colique et la fièvre

Une partie du bulbe, feuilles, tiges

 

Fraise (Fragaria x ananassa)

 

Santé du système digestif

Feuilles fraiches ou séchées

 

Melilot (Melilotus officinalis)

Contre les troubles de l’estomac et de l’intestin

Feuilles fraiches ou séchées

Petits quantités seulement

JAMAIS de feuilles ou tiges flétries

Millefeuille (Achillea millefolium)

Santé du système digestif, appétit

Diminue la présence de gaz dans l’intestin

Feuilles fraiches

 

Myrtille (Vaccinium myrtillus)

Tanins et pectine

Aide contre la diarrhée

Fruit frais

 

Ortie (Urtica dioica)

Minéraux, éléments traces.

Feuilles séchées

A intervalles réguliers, quelques feuilles.

Stimule le système immun et la formation osseuse.

Attention, possède aussi des propriétés diurétiques.

Pissenlit (Taraxicum officinale)

Stimule le foie

Feuilles fraiches, séchées ou décoction

 

Plantain à feuilles larges (Plantago major)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

 

Feuilles fraiches ou séchées, décoction

 

Plantain à feuilles longues (Plantago lanceolata)

Stimule l’appétit et la santé du système digestif

 

Feuilles fraiches ou séchées, décoction

 

Pomme (Malus domestica)

Aide contre les troubles de l’estomac, de l’intestin, du foie et de la rate

Fruit

Petites quantités.

Les propriétés amphotères de la pomme aident contre la diarrhée.

Vinaigre de pomme

Augmente l'appétit

Boisson, une cuillère à soupe dans un litre

Le changement de gout de l’eau peut amener le lapin à refuser de boire.

Rose (Rosa sp.)

Contre la constipation

Feuilles, tiges, fleurs fraiches ou sous forme de thé

 

Saule (Salix alba)

Combat les infections dans l’intestin

Feuilles et jeunes tiges fraiches

 

Remerciements

Un grand merci au Prof. Richard Hoop (Institut für Veterinärbakteriologie, University of Zurich, Suisse), à Kim Chilson (USA) et à Tal Saarony (USA) pour leur photos. A Michel Gruaz (Suisse) pour les discussions intéressantes au sujet des problèmes digestifs et de l’alimentation des lapins. Merci aussi à Adar, Flora, and Stampi pour leur aide pour illustrer cet article.

Information supplémentaires

Jones JR, Duff JP. Rabbit epizootic enterocolitis. Vet Rec. 2001 Oct 27;149(17):532.

Hoop RK, Ehrsam H, Keller B. 10 years of rabbit autopsy--a review of frequent disease and mortality causes. Schweiz Arch Tierheilkd. 1993; 135(6-7):212-6.

Tribe GW, Whitbread TJ, Watson GL. Fatal enteritis in rabbits associated with a spirochaete. Vet Rec. 1989; 124(22):595.

Licois D. Tyzzer's disease. Ann Rech Vet. 1986; 17(4):363-86.

Sinkovics G. Rabbit dysentery: 3. Diagnostic differentiation. Vet Rec. 1978 Oct 7; 103(15):331-2.

Patton NM, Holmes HT, Riggs RJ, Cheeke PR. Enterotoxemia in rabbits. Lab Anim Sci. 1978; 28(5):536-40.

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